Notre pratique nous conduit à rencontrer des parents d'enfants séropositifs, que ce soit dans le cadre de consultations hospitalières ou d'activités associatives. Pour la plupart d'entre nous les enfants n'apparaissent que dans le discours des parents. Aussi sommes-nous que rarement confrontés aux témoignages d'enfants, qu'ils concernent leur expérience de la séropositivité ou leur vécu des traitements. L'évocation de leur prise en charge par les parents provoque indéniablement des questionnements. Leur responsabilité face à un enfant en traitement antivih est d'autant plus marquée que le lien à l'infection s'inscrit dans une transmission materno-foetale. Des inquiétudes spécifiques à l'évolution de cette maladie surgissent aux différents stades de développement de l'enfant. Les parents manifestent des projections contrastées face à l'avenir de leur enfant. Ils pourront les exprimer sur un mode morbide dans certains cas : le pronostic vital est interrogé, les séquelles anticipées, l'intégration sociale évoquée avec hantise, le devenir affectif peut apparaître obscurci et le futur évité.
La poursuite des soins est l'enjeu d'une extrême attention. Nous avons à soutenir les parents dans le choix d'un traitement et dans l'intégration de celui ci dans la vie quotidienne de la famille, les aider à construire des stratégies facilitant l'acceptation de la séropositivité, singularité qui teintera l'existence d'un filtre particulier. Un ressenti nuancé de culpabilité peut induire des attitudes de repli de la part des parents. Nous devons les soulager en offrant diverses possibilités d'accompagnement dans la prise en charge de leur enfant séropositif. Aussi nous sommes nous rapprocher de professionnels et de volontaires travaillant au contact d'enfants et d'adolescents afin de mettre en perspective notre connaissance acquise auprès des parents.
Comment préparer les parents à la mise sous traitement ?
La question du traitement qui s'imposait prématurément jusqu'à maintenant semble se transformer vers une stratégie plus proche de l'évolution réelle de la chute immunitaire. L'expérience et davantage de discernement permettent de ne plus choisir la solution du traitement systématique. Une telle orientation permettra sans doute de découvrir que certains enfants peuvent s'inscrire parmi les "long survivors".
Les nouveaux critères de mise sous traitement des enfants..........
A chaque âge il est possible de prendre un traitement, mais ceci requiert d'identifier le niveau d'adaptabilité des parents et de l'enfant à ce nouveau comportement.
Proposer un traitement contre le vih demande certes une information sur son utilité et sur la nécessité de sa pérennité mais également de créer un discours assimilable par les parents. Imaginer un argumentaire efficace, des métaphores susceptibles de rendre intelligibles les effets primaires des traitements ; un certain nombre de pré requis sont indispensables.
Martine Lévine soulève différents problèmes inhérents à la mise sous traitement. Il faut dit-elle : "différencier plusieurs cas, les enfants d'Afrique et les nouveau-nés. Lorsqu'un enfant arrive de son pays d'origine avec 5cd4 et que le processus vital est menacé à cours terme la préparation de la famille est plutôt expéditive. Dans le cas d'un nouveau-né, la situation est différente, nous avons le temps de la confirmation de la séropositivité de l'enfant, ces semaines d'attente peuvent permettre de soulever l’hypothèse du traitement et de soutenir la famille en cas de séroconversion. Lorsque le diagnostic est confirmé, il faut offrir le temps à la famille d’assimiler le diagnostic. Durant cette période extrêmement perturbante pour la famille, il peut se produire qu'elle rejette l'équipe médicale, les parents peuvent incriminer le médecin de ne pas avoir su éviter la contamination 0. A ce moment une médiation extérieure est bienvenue. Savoir qu'il n'y a qu'1% de risque de contamination et que cette malchance vous échoit, plonge les parents dans la révolte ou l'abattement.
Deux options ont cours dans les services de pédiatrie : la mise sous traitement se fait à l'hôpital ou au domicile. Si l'équipe médicale constate que les parents ne sont pas prêts, n'acceptent pas ou ne semblent pas s'organiser pour appliquer le protocole de soins, il est conseillé d'accompagner les premières prises médicamenteuses dans le service afin de mettre en condition les parents et d'induire des routines. Si l'application des consignes a été intégrée avant la mise sous traitement il n'y a pas de raisons de médicaliser cette étape. Il a été constaté que le manque de préparation des parents lors de la mise sous traitement provoquait indéniablement des répercussions dans l'adhésion et l'observance.
Un des écueils à l'adhésion des parents est qu'ils trouvent leur enfant en bonne santé et qu'il leur semble aberrant pour eux de donner à un enfant un traitement aussi contraignant et surtout au long cours. La durée du traitement est un autre obstacle majeur à une observance optimale. Il faut que les parents accordent leur confiance au médecin prescripteur pour consentir à appliquer le traitement à leur enfant alors "qu'il n'a rien".
L'observance des traitements est assujettie au niveau d'adhésion des parents ou les adultes qui dispensent le traitement à l'enfant. Leur croyance en son efficacité doit être interroger, ainsi que leur capacité à faire face aux effets secondaires. Ceux ci constituent une préoccupation importante car il réveille des inquiétudes : l'enfant vomisseur, la diarrhée de l'enfant et les peurs qu'elle engendre si l'enfant est très jeune, la crainte de la fièvre, l'impuissance devant les douleurs musculaires. La prise du traitement peut être vécue comme une violence faite à l'enfant et il est nécessaire que les parents puissent avoir le temps d'exprimer leur angoisse. Ils devront verbaliser les difficultés liées à l’exercice de leur autorité. Cette phase de la relation parent/enfant fréquemment ressentie comme traumatisante. Vérifier leur niveau de compétence à dispenser un traitement est indispensable. Evaluer les facteurs de vulnérabilité et également important, l'entourage de la mère est-il au courant, un minimum de confort est nécessaire pour le stockage des médicaments et l'organisation des prises. Le soutien doit viser à réhabiliter la femme dans son rôle de mère, à l'autoriser à être soignante pour son enfant, à la réassurer sur ses capacités parentales, à l'aider au niveau pratique en mettant à sa disposition les savoirs utiles sur la psychologie de l'enfant.
Dans certains services des consultations menées par des infirmières travaillent avec les parents sur ces sujets
Catherine Tourette-Turgis nous propose un court test qui permettra d'évaluer le niveau d’acceptabilité des parents, elle conseille une passation individualisée de ce test.
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Je pense que le traitement est bon pour mon enfant
_______________________________________oui__________non_____nsp_ Cela m'embête de donner ce traitement à mon enfant
________________________________________oui__________non_____nsp_Je donnerais ce traitement car il le faut mais cela ne me plaît pas.
________________________________________oui__________non_____nsp_ Je crois que ce traitement va aider mon enfant à être en meilleure santé.
________________________________________oui__________non_____nsp_ Je ne suis pas prêt(e) à donner ce traitement à mon enfant car il va bien.
________________________________________oui__________non_____nsp_J'ai peur de ce que j'ai entendu sur les traitements.
________________________________________oui__________non_____nsp
Dans ma communauté on ne donne pas de traitements aux enfants s'ils ne sont pas malades.
_______________________________________oui__________non_____nsp
Le médecin peut évaluer si les parents ont confiance en leurs propres capacités à donner un traitement à leur enfant ou à demander de l'aide pour le faire. Il pourra les orienter le cas échéant vers des associations ou des groupes de paroles, il pourra envisager une éducation directe de l'enfant à son traitement. Une question comme : "Que voulez vous dire par je me sens mal ?" Peut permettre au médecin ou à l'intervenant de circonscrire la demande et de pouvoir orienter.
Comment préparer l'enfant à la perspective de la mise sous traitement ?
Il est important de permettre à l'enfant de prendre part à la décision médicale que le médecin s'adresse à lui en temps que sujet dont on respecte les droits. Il est important de tester la satisfaction de l'enfant dans sa relation à son médecin et aux soignants. Une relation de confiance et de sympathie est un cofacteur important d'observance du traitement.
Martine Lévine nous rappelle : "qu'il y a quelque chose à dire à chaque âge, il y a un sens à donner à ce qu'on fait aux enfants. La première phase d'explication concerne le combat contre le virus. Les enfants intégrant qu'il y a quelque chose dans l'organisme que le traitement combat. Le principe de l'infection peut être compris sans que soit dit le nom du virus.
Les problèmes liés à l'observance, comment les anticiper, les réduire
Un oubli de prise peut réactiver l'anxiété parentale face à la maladie de leur enfant ou à la mort. Cette omission peut déstabiliser la confiance en soi et endommager l'image de soi comme bon parent. Anticiper ce type de ratage est un des problèmes à poser régulièrement lors des entretiens. Un professionnel pourra réassurer, rappeler les règles liées au saut de prises mais également à l'organisation quotidienne, de la mise en place de routines, reformuler des conseils pratiques. Il peut être utile d'apprendre à partager la responsabilité du traitement entre les parents. Un des interlocuteurs privilégié sera le pharmacien hospitalier qui à chaque dispensiation du traitement pourra susciter des questions de la part des parents. Il semble primordial de ré interroger les pratiques régulièrement et de déjouer des attitudes de perte d'adhésion. Il ne s'agit pas de mettre en accusation mais de pointer les difficultés et d'accompagner. Les témoignages des professionnels confirment que souvent le traitement "n'est pas bien donné". Il nous faut considérer les conditions de vie de la famille. Le contexte peut être défavorable à une bonne observance. Une infirmière de l'association "Dessines moi un mouton" nous dit : "Une femme africaine étant hébergée chez un membre de sa communauté se voit contrainte de taire la pathologie de son enfant, ainsi les prises de traitement soustraites au regard des autres sont sujettes à variation". Nous avons insister sur la préparation psychologique. Il nous faut également évoquer la préparation pratique. Aborder le stockage des médicaments est indispensable dans certains cas. Déceler l'endroit le plus propice dans l'habitation : sous le lit, dans une valise, changer les médicaments d'emballage.
Quelques situations sous-traitent du guide sur l'observance des traitements de Catherine Tourette-Turgis permettent de tester les capacités de la mère à faire face à cette nouvelle fonction.
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Je crois que je vais réussir à suivre le rythme de prises de traitement de mon enfant. __oui___non___nsp
________________________________________________________________Si j'ai des difficultés avec le traitement de mon enfant, je demanderai conseil au médecin et aux infirmières du service __oui___non___nsp
________________________________________________________________je pense que si je pouvais parler avec d'autres familles pour voir comment elles donnent le traitement, cela m'aiderait. __oui___non___nsp
________________________________________________________________Je ne me sens pas capable de donner tous ces médicaments à mon enfant.
oui___non___nsp
________________________________________________________________Cela m'aiderait si mon enfant participait plus à la prise de son traitement.
oui___non___nsp
________________________________________________________________Je me sens mal à l'idée d'oublier une prise dans le traitement de mon enfant.
oui___non___nsp
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Les effets secondaires comment en parler, comment les gérer
A l'inverse des adultes les témoignages d'enfants sur leur vécu des effets secondaires paraient moins prégnants, moins douloureux. Les praticiens ont pu observer des effets secondaires digestifs gênants. Certains ont relaté des cauchemars, des peurs nocturnes induitent par le Sustiva. Des troubles lipodystrophiques ont été repérés mais ils concernent principalement une hypertrophie centrale et non pas des atrophies du visage. Le Zérit sera évité afin de pas risquer ce type de trouble. Les cas d'interventions chirurgicales réparatrices ne sont pas répertoriées. Le discours médical guide l'enfant vers une attitude diététique responsable et déconseille certains produits trop sucrés et quelques fois un régime mais les conseils semblent peu suivis.
Catherine Breton psychiatre hospitalier commente cette attitude en disant :
" les médecins donnent des conseils pour tenter de lutter contre les lipodystrophies en fait cette recommandation répond à leur culpabilité de prescrire des traitements qui déforment".
Martine Lévine précise que si le confort de l'enfant est maintenu, le traitement peut être poursuivi, si l'inconfort s'installait-il est indispensable de le changer.
la place des médicaments dans les relations familiales
Les enfants invités à séjourner en groupe sur les lieux de vacances offerts par "Dessines moi un mouton" ont pu dévoiler des éléments signifiants de l'attention portée aux médicaments dans la famille. Certains présentent une organisation de stockage correcte ; des boîtes plus ou moins sophistiquées ou des petits sacs ayant été confectionnés par la mère à cet effet, d'autres au contraire étaient incommodés pour prendre leur traitement, celui ci étant conservé pêle-mêle dans le sac de voyage ou agglutiné dans un sac plastique. Allant jusqu'à interroger l'accompagnant sur de leur efficacité. La manière de confier le traitement à l'enfant et son mode de conservation est une illustration du niveau d'implication de la famille dans la prise du traitement.
L'intégration des traitements dans la vie quotidienne, à l'école, dans les relations sociales
La mise sous traitement d'un enfant sous entend un certain nombre de contraintes : prises de médicaments régulières, quelquefois antagonistes avec la vie sociale de l'enfant ou de l'adolescent, effets secondaires qui peuvent être gênants qui peuvent provoquer des handicaps pour les enfants scolarisés. La forme galénique n'est pas toujours adaptée aux enfants. Le journal du sida noté en 1999 " les contrôles effectués après l'arrivée des trithérapies et parfois des quatrithèrapies ont montré que la diminution de la charge virale obtenue chez l'enfant était de 30% à 40% inférieure à celle que l'on a observé chez l'adulte. De plus l'apparition de virus mutants résistants fait suspecter une moins bonne observance chez les enfants". Ce constat incline à expérimenter toutes les stratégies possibles auprès des parents mais également des partenaires éventuels : infirmières scolaires.........................
Dans les groupes d'enfants séropositifs, la prise du traitement occasionne des jeux collectifs. Ils s'interpellent sur leurs médicaments réciproques et une dynamique de meilleure adhésion.
Dire ou ne pas dire
L'intégration par l'enfant de sa maladie passe par lui dire : "Tu es comme tout le monde, mais il faudra peut-être dire à ton entourage que tu as un problème de santé".
Martine Levine dit : "En tant que soignant nous avons une responsabilité en les poussant à le dire. Les enfants savent très bien qu'il y a un secret, que s’ils le disent quelque chose va changer".
Serge Hefez nous dit concernant la question du "dire ou ne pas dire" qui émerge inévitablement à un moment dans les familles : " les enfants sont conditionnés dès la naissance pour ne jamais parler du fait qu'ils sont malades que ce soit dans la famille élargie ou dans le milieu scolaire. Le poids du secret est hallucinant".
A l'adolescence quelque chose se joue dans la transgression du secret. Les jeunes commencent à choisir un ami d'élection qui sera le premier confident. C'est l'acte inaugural de la sortie de la famille. Si ce confident est "à la hauteur" de l'annonce, alors la perméabilisation touchera d'autres interlocuteurs. Mais si le secret n'est pas gardé, les conséquences de la trahison seront terribles pour l'adolescent. Il vivra cet événement comme ravageant, il pourra entraîner une perte d'identité du jeune. Il se produira un phénomène de cristallisation autour du secret".
Martine Lévine relève que dans certains cas, lorsque la famille vit bien la séropositivité, l'équipe soignante peut avoir la position qu'elle qualifie "d'étrange", de freiner l'annonce. Position paradoxale qui montre l'ambivalence du discours médical qui dans les faits demande à la famille de se tenir prêt à annoncer la maladie et qui peut faire obstacle à l'annonce.
L'appoint d'un soutien psychologique, quand et comment ?
L'apport d'une prise en charge psychologique peut intervenir pour la mère dans certains cas, lorsque des comportements obsessionnels opacifient le dialogue entre elle et son enfant. Si elle n'arrive pas à passer le relais à l'adolescent, si elle ne fait pas confiance à un tiers pour la prise du traitement. Il lui est pénible d'accepter que cette responsabilité lui échappe (phénomène de compensation). Certains adolescents prisonniers de situation de non-dit peuvent être eux aussi orientés vers une consultation psychologique.
Dans tous les cas le choix de proposer une prise en charge psychologique se prépare, ce n'est pas d'un recours évident pour les familles. Cette orientation s'instaurera hors du service hospitalier si cela est possible. C'est la prise en charge globale qui sera interrogée et pas seulement l'observance des traitements.
Une structure comme Espas peut dans certains cas recevoir la famille en consultation psychologique : une mère isolée avec des enfants en bas âge, des couples homo avec enfant.
Bien que l'équipe ait pu remarquer des dysfonctionnements chez un adolescent elle peut se retrouver en face de son refus de tout suivi tant sur le plan médical que sur le plan psychologique. Dans ce cas la médiation associative peut donner des résultats.
Tag peut prendre le relais. Des adolescents arrivent à Tag après une hospitalisation ou non, cet espace intermédiaire fait émerger une dimension identitaire qui peut amener le jeune à se poser et peut lui permettre d'entamer un travail de réflexion et de structuration avec un psychothérapeute.
Une des questions qui ne sera pas posée directement aux parents, ni au psychothérapeute est "comment ma mère a contracté le virus ?", Ils savent que c'est la mère qui l'a transmis durant la grossesse. Mais le niveau du secret : "Comment mes parents ont-ils été contaminés ?", Est rarement posé, l'enfant ou l'adolescent refoulant cette question touchant l'intime des parents, leur sexualité, leur toxicomanie. Ce "ça je ne veux pas savoir" concerne un niveau de connaissance auquel l'adolescent ne veut pas accéder.
De leur côté, les parents peuvent dire à l'équipe médicale : "Ne lui dites rien". Ils ont peur indéniablement que leur enfant aient accès à leur intimité. Il faut dire aux parents que combien même l'enfant comprendrait comment il a été contaminé, il ne posera jamais la question.
Perspectives au long cours, interruption de traitement, les nouvelles formes galéniques
Serge Hefez a animé des groupes de paroles pour adolescents séropositifs durant quatre années à l'hôpital Necker. Il a remarqué que tous les participants avaient exprimé un problème d'observance pendant les séances de groupe alors qu'ils n'en avaient apparemment pas antérieurement. La prise de traitement qui avait transité par les parents devient un acte autonome et il est indispensable d'y donné un sens. Le plus souvent l'enfant n'a pas reçu d'explications précises concernant la raison de la prise de traitement. La maladie dont il est atteint n’a pas été nommée. A partir de dix douze ans il semble recommandé d'engager un dialogue plus approfondi sur le sens du traitement, les aménagements à prévoir et évidemment nommé l'infection qui le touche, c'est le moment de nommer le virus. Mais l'âge auquel l'annonce est faite peut advenir beaucoup plus tôt. Cette annonce a des répercussions sur la gestion du "secret de famille". A cet égard nous pouvons constater les difficultés que rencontrent les équipes soignantes lorsque les familles exigent que le diagnostic de la maladie ne soit pas révélé. L'effet d'annonce que nous connaissons pour les adultes opère également chez l'adolescent des réactions aiguës : repli, dépression, réactions face aux parents, résolution du mystère lié à la disparition d'un ou des parents, déni, rejet des traitements. La révélation du sida va entamer l'affirmation de soi, désorganiser l'affiliation à la famille, perturber le rapport à l'obéissance, modifier le rapport avec les jeunes de son âge. L'implication dans une activité groupale avec d'autres adolescents séropositifs semble souhaitable, elle permet d'échanger sur cette expérience douloureuse, de se confronter aux résolutions de chacun et aux stratégies d'adaptation de chaque participant du groupe. Le travail collectif parait également dynamique dans le renforcement de l'adhésion aux traitements, chacun donnant ses trucs, ses recettes. L'infection à vih n'est parfois pas la priorité de l'adolescent.
Rotheram-Borus et Miller (1998) ont développé un programme en direction des adolescents séropositifs qui se déroule sur 2 heures hebdomadaires et sur 8 semaines.
Quatre axes ont été retenus.
· Aider les jeunes à développer des routines de santé (de sommeil, d’hygiène, d'alimentation).
· Aider les jeunes à gérer et à prendre leur suivi médical en charge ainsi que l'observance de leur traitement.
· Orienter les jeunes vers des services complémentaires.
· Aider les jeunes à améliorer leur qualité de vie en partant strictement de la situation concrète dans laquelle ils se trouvent et en envisageant avec eux les domaines dans lesquels ils peuvent reprendre le contrôle de leur vie.
Prendre en compte des questions comme :
· Je suis séropositif qu'est ce que cela signifie dans ma vie ?
· Qu'elle est ma position face aux soins ?
Face aux traitements de l'infection à vih ?
· Comment dire à ma copine/mon copain que je suis séropositif ?
· Quels buts puis-je me donner pour un futur proche ? Un futur lointain ?
· Avec qui puis-je parler ?
· Qui peut m'aider sans me juger ? Si je n'arrive pas à prendre mon traitement qu'est ce qui va se passer?
· De quoi puis-je parler avec mon médecin ?
Quels sont les sujets que je peux aborder avec lui ?
En annexe nous pouvons rappeler que des études auprès d'enfants atteints de cancer ont montré que ceux qui ont été privés d'informations sur leur diagnostic ont développé un taux proportionnellement plus élevé de symptômes, comme l'isolement, la confusion, la dépression et surtout la perte de confiance dans les adultes. D'autres conduites auprès d'adultes ayant survécu à un cancer dans l'enfance ont montré que ceux qui avaient été informés précocement sur leur diagnostic présentaient de meilleures capacités d'adaptation et d'intégration psychologiques, familiales et sociales (Slavin L et al. 1982).
De même l'utilisation de la chimiothérapie en oncologie pédiatrique a montré l'intérêt de la participation de l'enfant au management de son traitement.
Le rôle des associations n'est pas à négliger, l'exemple de "Dessines moi un mouton" nous le confirme. Cette association organise périodiquement des séjours de vacances avec des enfants séropositifs de 7 à 10 ans et des groupes d'enfants de 10 à 13 ans. Ceux ci vont pouvoir vivre l'intégration de leur maladie et de leurs traitements ensemble. Ils partagent les mêmes chambres et assistent à leur prise mutuelle de traitements. Les plus avertis vont provoquer chez les plus réticents, l'incitation à prendre les traitements. Le phénomène d'imitation peut induire des changements durant ces quelques jours passés ensemble. Leurs propos peuvent aussi porter sur les effets secondaires. La possibilité d'un groupe de paroles centré sur la vie avec les traitements est proposé chaque jour. Tous ne connaissent pas leur maladie en arrivant et ne savent pas pourquoi il est important de prendre un traitement. Le fait de mettre un nom sur "leur problème", d'avoir des explications sur leur singularité permet de comprendre l'intérêt du traitement et par écho accentue une meilleure observance. L'expérience de groupe libère du secret.
Les formes galéniques proposées par les laboratoires peuvent être inadaptées aux enfants en bas âge ou désagréables au goût et quelquefois révulsives. Aussi est-il nécessaire d'aménager des combinaisons "ingérables" par l'enfant et au goût acceptable.
Des interruptions de traitements ont été testées pour les adultes, elles ont également été tentées avec les enfants. Martine Lévine nous dit : "Si un traitement n'est plus adapté, il faut le changer. Ce changement n'est pas toujours réclamé par les familles". Les nombreux suivis de familles ont permis à Martine Lévine un certain discernement quant à l'arrêt de traitement de l'enfant. A l'arrêt, certaines familles vont disparaître, ce sont ces perdus de vue qui peuvent rendre circonspect sur l'arrêt de traitement programmé. Il peut se transformer en rupture de prise en charge. Combien même les résultats immunitaires seraient satisfaisants qu'il n'est pas préconisé d'encourir à un arrêt de traitement systématique. Nous pouvons nous demander si dans certains cas l'interruption de traitement n'aurait pas une fonction plus positive et permettrait à la famille de s'imaginer un "après" les traitements et cette période d'arrêt pourrait être riche de projections dans le futur, de repositionnement face à la maladie et un remède contre l'usure. Tous ces arrêts s'entendent dans le cadre d'un accompagnement. Mais nous ne pouvons omettre dans d'autres cas à l'interruption du traitement une réactualisation du traumatisme à la reprise de celui ci. "L'arrêt demeure une carte à jouer que nous abattons avec hantise" conclut Martine Lévine.
L'alternance n'est pas d'actualité et les résultats sur les adultes nous obligent à une grande prudence.
N'oublions pas que des enfants décèdent toujours du sida en France.
Actuellement nous rencontrons des formes sévères du sida chez des enfants arrivant d'Afrique, leur prise en charge hospitalière reste lourde et incontournable.